Haroun et la mer des histoires : il était grand temps de rallumer les étoiles

Quelle belle découverte en ces temps de confinement !

Mea culpa : ce livre m’a été offert il y a fort, fort longtemps, et je n’avais pas dépassé les premières pages à l’époque… Peut-être que ce n’était pas le bon moment. Peut-être que le livre s’était lui-même échappé de mes mains pour me donner le plaisir, dans une période pleine de complications, de prendre un grand bol de merveilles !

Un conte plein de péripéties

Si vous ne l’avez pas encore lu, voici le propos :

Rachid Khalifa est un conteur, mais il a un problème (comme dirait Deborah Underwood) : patratras, caramba, un beau soir de réunion électorale, rien ne sort de sa bouche. L’inspiration est partie. Avant elle, c’était la femme de Rachid qui avait pris la clef des champs, avec l’odieux voisin Mr Sengupta.

Rachid a un fils, Haroun. Et Haroun a plusieurs souhaits. L’un d’eux, enfoui, est de retrouver sa mère. Mais elle les a abandonnés, son père et lui, alors doit-il vraiment souhaiter son retour ? Surtout, il y a plus urgent : Haroun souhaite par-dessus tout que son père retrouve son don et son talent.

Une nuit, Haroun fait de curieuses rencontres à l’hôtel des Mille et une nuits plus une où il séjourne avec son père. Un génie, puis une huppe miniature… et voilà notre Haroun embarqué dans un voyage au pays des merveilles, vers la mer des histoires.

Au fil de votre lecture, vous rencontrerez Sssi, Fournisseur d’Eau aux Histoires de la Grande Mer des Histoires, Mmmais la huppe, une machine fière de l’être, Mali, le jardinier flottant, Bagha et Guppy, deux poissons polypanses qui ne parlent qu’en vers, Batcheat, la princesse qui chante faux, mais aussi le terrible Khattam-Shud, le prince du Silence et l’adversaire de la Parole et son peuple, les Chupwalas, qui vivent dans la Nuit Éternelle.

Il y aura une guerre, des enlèvements, des combats, et une fin heureuse, car il devait en être ainsi.

Des destinataires multiples

Une oeuvre pour la jeunesse ? Peut-être, mais que les adultes ne se privent pas d’en goûter la fantaisie. C’est magique, tout simplement. De l’humour, des péripéties, une inventivité incroyable ; mais que signifie vraiment la notion d’incroyable ? Est-ce que tout  n’est pas possible, si on décide d’y croire ? Il y a des choses dans le monde que l’on n’a jamais vues : est-ce pour autant qu’on refuse de croire en leur existence ?

L’oeuvre est cependant dense : une oeuvre pour la jeunesse, oui (l’auteur l’a écrite pour son fils, qui avait 10 ans à sa parution, en 1990), mais avec un certain niveau de lecture, tout de même. Il y a beaucoup de jeux de mots, d’implicite, et une fantaisie qu’on apprécie pleinement avec un certain bagage littéraire.

Une oeuvre militante ? Certainement, quand on sait que Salman Rushdie l’a écrite juste après la découverte de la fatwa qui lui imposait le silence tout en le menaçant de mort. L’histoire est une ode au langage, une guerre contre ceux qui brident la parole, les « Bouches-cousues » de Khattam-Shud, ainsi que l’affirmation que l’on peut croire en ce que l’on veut.

J’ai du mal à imaginer l’existence de quelqu’un dont des milliers de personnes souhaitent la mort. J’ai du mal à concevoir qu’on puisse non seulement continuer une vie aussi normale que possible, mais encore continuer d’écrire avec une telle force. On n’a jamais peur pour Haroun parce que l’on est dans un conte : une happy end est de mise. Mais force est d’admirer un écrivain qui donne tant d’optimisme et de bonheur à son fils et tous ses autres lecteurs alors que lui-même ne sait pas s’il aura droit à une fin heureuse.

Salman Rushdie s’en explique dans cette passionnante émission diffusée sur France Culture en 2018 : Salman Rushdie, le dernier conteur.

Haroun et la mer des histoires, Salma Rushdie, Gallimard, "Folio Junior", 1990, 8€.

 

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